Front National, Front de Gauche, même combat ?

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Hier, chez Sud Radio, le débat a encore porté sur la tentative de récupération faite par Marine Lepen de la victoire de Tsipras. La présidente du Front National a déclaré souscrire aux mouvements politiques opposés à l’austérité, et personne n’a mentionné que Syriza avait publiquement répudié ce soutien. 

Voici la question à laquelle je fus invitée à répondre : « Les programmes du Front National et du Front de Gauche ont-ils les mêmes ambitions ? » 

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Non, le programme du Front de Gauche et celui du Front National n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Le programme du Front de Gauche s’appelle « L’humain d’abord », car chez nous, personne ne traite Mme Taubira de singe, personne ne commet de dessins racistes, personne ne plaide pour la peine de mort, personne ne dénonce les syndicats ni ne s’oppose au droit à l’avortement ou à l’égalité des droits entre les familles.

Le Front National propose un programme économique libéral au profit, selon lui, des « classes moyennes » et veut entraver la lutte des classes.

Quel serait ce mystérieux tournant social d’un parti opposé aux syndicats et aux mouvements ouvriers, dont le président d’honneur Jean-Marie Lepen proposait d’envoyer l’armée pour intervenir contre les grévistes en 2007 ? Le Front National s’oppose à toute forme de salaire maximum qui pourrait plafonner les revenus des millionnaires. Il désapprouve l’augmentation des moyens de l’inspection du travail. Il stigmatise les effets de seuil qui accroissent les droits des salarié-es dans l’entreprise. Il dénonce le droit du travail, accusé d’entraver la concurrence. Il propose de supprimer le salaire différé en droit social que constituent les cotisations, au lieu d’augmenter le Smic. Il refuse l’accès au logement social et aux services publics pour toutes et tous.

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Par contre, il défend ardemment les mesures préconisées par le Medef, un système de retraite à la carte par capitalisation, alors qu’il se présente comme un adversaire des marchés financiers. Il veut réduire le coût du travail en supprimant les cotisations sociales, autoriser l’apprentissage à 14 ans, lancer la chasse aux fraudeurs, œuvrer pour la totale liberté d’entreprendre en fustigeant les contraintes administratives et fiscales des entreprises.

Ces pseudo-opposants à l’austérité en sont les premiers partisans et artisans quand ils sont au pouvoir. Dans les villes qui ont un maire FN à leurs têtes, la gratuité de la cantine pour les revenus modestes a été abolie, et la garderie pour les enfants de chômeur-ses de Béziers a été supprimée, alors même qu’il s’agit de l’une des villes qui compte le plus pauvres de France. Ce qui n’a pas empêché Ménard de baisser les subventions dédiées au centre communal d’action sociale dans les quartiers populaires. À Fréjus, trois centres sociaux ont vu leurs subventions fondre de plus de la moitié. La mairie du Pontet ne veut plus financer le Téléthon. Tout ça au nom de politiques de rigueur, faites sur le dos des pauvres.

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Pour ce qui est de l’immigration, le FN propage des fantasmes mal chiffrés et jamais argumentés. Non, la France ne détient pas le record du nombre d’entrées sur son territoire, puisque l’Italie en accueille deux fois plus, et l’Espagne trois fois plus. Non, le nombre de titres de séjours n’a pas explosé. On a réduit leur durée moyenne, ce qui démultiplie le nombre de récépissés par personne, j’en sais quelque chose puisque je collectionne une bonne cinquantaine de titres de séjours de trois ou six mois.

Non, l’immigration ne coûte pas 60 milliards d’euros par an. Pourquoi ne pas compter d’ailleurs les recettes fiscales et sociales, de même que les dépenses ? Toutes les allocations allouées aux immigré-es tournent autour de 48 milliards d’euros, en revanche, ils versent 60 milliards d’euros en impôts et cotisations, travaillent, participent à créer les richesses et consomment.

Venons-en enfin à la plus anti-républicaine des mesures du Front National : la préférence Nationale. D’une part, ce serait injuste de priver les travailleur-ses étrangers de protection sociale puisqu’ils cotisent aussi bien que les français-es, mais en plus ce serait préjudiciable à la santé de tout le monde de laisser des personnes mal-soignées dans le pays.

Cette revendication montre que le FN n’est en rien un parti anticapitaliste, encore moins un parti anti-système, puisque sa stratégie consiste à diviser le mouvement ouvrier entre travailleur-ses et assisté-es, français et étrangers, vrais français et français « de papiers », au lieu de les unir pour combattre leur exploitation par le patronat et les réformes ultralibérales. Pour protéger les travailleurs-es, le meilleur moyen est de régulariser les sans papiers, leur permettre d’être protégés par le droit du travail, le SMIC, les conventions collectives, afin de ne pas faire concurrence déloyale à leurs camarades au moment de négocier le salaire et les conditions de travail. L’autre façon de protéger les ouvriers est de les soutenir contre la précarité, le temps partiel imposé et le chômage, qui encouragent les patrons à revoir à la baisse la rémunération des postulant-es qui n’ont guère trop le choix de refuser.

Bref, le FN est un parti antirépublicain. Défendre la république française, c’est défendre toutes ses valeurs, sa déclaration des droits de l’homme et sa Constitution. La préférence nationale est une négation de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui fait de l’appartenance au genre humain le critère principal pour bénéficier des droits, comme le fait le Front de Gauche ici, et Syriza.

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3 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Suzanne Bigonski dit :

    j’ai partagé sur FB

  2. jacmarat dit :

    Excellent analyse !

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